Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Quitter la terre
Archives
31 janvier 2005

"Vous n'êtes pas seuls ici" - Adam Haslett

Salué par Jonathan Franzen et parmi les finalistes du Pulitzer 2003, ce recueil de nouvelles est la première œuvre de son auteur. Chacune a pour personnage principal un être en dehors du monde, dépressif ou schizophrène, juste à la limite de la normalité. Humain blessé, fêlé parmi les autres humains. Il y a l’orphelin, qui ne découvre le plaisir et la douleur de la mort de ses parents que dans les coups donnés par celui qu’il aime (« Le commencement de la peine »). Il y a un jeune malade, qui écrit chaque jour une lettre à son père mort et meurt peu à peu du sida, vu uniquement comme une perte progressive de la mémoire (« Réunion »). Un enfant qui a la prémonition de la mort de son frère, après avoir eu celle de la mort de son professeur de latin (« Prémonition »). À côté d’eux, des êtres tentent de leur venir en aide, de les comprendre, comme le jeune médecin du « Bon docteur », parlant longuement avec une mère souffrant de la mort de son fils. Haslett ne fait pas un diagnostic de la maladie : il s’insinue en chaque personnage, et avec lui le lecteur, pour vivre leur univers et leurs failles. Avec un don particulier pour créer des atmosphères, il invente une manière différente pour chaque texte : dans « La fin de la guerre », la dépression grandissante du héros va de pair avec la brume et le vent froid de l’Écosse. Deux grandes réussites : « Réunion », et « Dévotion ». Dans cette nouvelle, un frère et une sœur, couple vieillissant, attendent un ami, dont tous deux furent amoureux, qui ne viendra pas. Dans une douce nuit d’été, ils sont au bord de tomber dans le mutisme, mais leur dévotion survivra. Tous ses personnages ne sont pas seuls : ils sont dans un monde, et sont en rupture. Ils essaient d’y intégrer leur fêlure, sans y parvenir. Ils sont aussi avec le lecteur, qui ressent leur malaise grâce à l’intelligence et au talent d’Haslett. Un vrai grand livre, magistral et singulier, d’un art malheureusement déserté en France, et d’une sensibilité extrême.
Publicité
Commentaires
Quitter la terre
Publicité
Publicité